Communiqué de presse - L’amyotrophie spinale chez les bébés : le dépistage génétique a permis pour la première fois de prendre en charge l’enfant avant l’apparition des symptômes

La prise en charge de l’amyotrophie spinale chez les enfants au sein du Centre de référence des maladies neuromusculaires de l’HUDERF avance sur tous les fronts.

Une analyse génétique proactive a permis de dépister et d’administrer un traitement innovant à un bébé atteint d’une maladie rare, l’amyotrophie spinale, avant l’apparition des symptômes, suite à une demande de parents ayant perdu un bébé précédemment. Cette avancée complète une série de bonnes nouvelles dans le domaine de la prise en charge de cette maladie rare. Depuis quelques semaines, un partenariat entre le laboratoire de pédiatrie lié à l’HUDERF et le centre de dépistage de Liège permet de dépister systématiquement tous les bébés nés ou à naître dans les maternités du réseau de l’ULB et ailleurs en Belgique francophone. Une chance supplémentaire d’offrir une prise en charge très précoce et qualitative à des enfants dont l’espérance de vie ne dépasse pas deux ans sans traitement. Eclairage sur ces évolutions par le Pr Nicolas Deconinck, neuropédiatre, à l’occasion de la journée mondiale des maladies rares.

Aujourd’hui, une dizaine de bébés et jeunes enfants atteints d’amyotrophie spinale suivis à l’HUDERF bénéficient d’un médicament innovant issu de la recherche clinique. Ce médicament, le Spinraza (Nusinersen), permet de retarder le handicap moteur chez les enfants atteints d’amyotrophie spinale (5q-SMA) de type 1, 2 et 3, une maladie génétique rare et sévère qui affecte les cellules nerveuses motrices de la moelle épinière, avec pour conséquence une mauvaise commande et une fonte des muscles.

La grande majorité des enfants qui développent la maladie de type 1 très jeunes, vers 2 mois, décèdent. Des infections et la détresse respiratoire liées à la maladie entrainent un taux de mortalité particulièrement marqué chez les enfants. Avec 12 nouveaux cas chaque année, la Belgique compte environ 250 patients touchés par cette maladie rare, dont 90 enfants environ. Son mauvais pronostic et sa fréquence font de l’amyotrophie spinale de type 1 la maladie la plus sévère au monde en termes de mortalité infantile. 

De l’étude clinique au traitement de nos patients
En test clinique à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, le médicament Spinraza a été administré par injections dans le liquide céphalo rachidien de plusieurs patients dans le cadre d’une étude clinique[i]. « Nous avons encore besoin de recul, mais les résultats sont encourageants », explique le Pr Deconinck, neuropédiatre et directeur général médical opérationnel à l’HUDERF. « Administrer le traitement le plus tôt possible à l’enfant semble retarder la progression. Le médicament agit sur le gène défectueux et améliore la production de la protéine manquante pour faire fonctionner les motoneurones et donc in fine la force des muscles des membres supérieurs et inférieurs mais aussi du tronc. Les muscles thoraciques protégés, l’enfant a également moins de difficultés respiratoires et d’infections. Les bénéfices sont par contre plus modestes lorsque le médicament est administré longtemps après le diagnostic. » Ces bébés ont aujourd’hui 3 ans. Dans d’autres centres certains patients ont aujourd’hui 5 ans. Prolonger leur espérance de vie et la qualité de leur vie est déjà une victoire en soi.

Odyssée du diagnostic raccourcie grâce au dépistage systématique
Depuis mars 2018, le dépistage du SMA est inclus dans le test de Guthrie. « En introduisant le dépistage génétique systématique, nous réduisons l’odyssée du diagnostic, pour que les équipes de l’hôpital puissent de donner le meilleur traitement et/ou d’offrir la meilleure prise en charge possible de la maladie rare, idéalement même avant l’apparition des symptômes », précise Nicolas Deconinck. « Avant le test de Guthrie, nous décelions les signes précoces de SMA grâce à la vigilance des équipes qui entourent la naissance : une prise de sang suffisait pour commencer l’analyse génétique. L’inclusion de l’analyse du gène SMN1 dans le test néonatal du buvard permet de systématiser ce dépistage pour couvrir potentiellement toutes les naissances à Bruxelles et en Wallonie, sans aucun prélèvement supplémentaire ». Les prélèvements effectués en maternité à Bruxelles sont envoyés à Liège pour analyse, qui permet une centralisation du projet pour toute la Fédération Wallonie Bruxelles.

Premier patient pris en charge avant l’apparition des symptômes grâce au dépistage génétique
Lorsque la maladie génétique est identifiée, si les parents le désirent, ils peuvent réaliser un test génétique à leur tour (ce qu’on appelle le test en cascade) pour identifier les porteurs. Dans le cas d’une nouvelle grossesse, l’intérêt de dépister par prise de sang la mutation génétique permet de commencer les injections dès la naissance, sans attendre l’apparition des symptômes. « A l’HUDERF, nous avons pu pour la première fois traiter un bébé avant l’apparition des premiers symptômes. Les parents de l’enfant ont fait une demande d’analyse génétique suite au décès de leur ainé touché par l’amyotrophie spinale », témoigne Nicolas Deconinck. Un couple porteur de cette mutation génétique a une chance sur quatre de mettre au monde un enfant atteint d’amyotrophie spinale à chaque grossesse. Il existe une chance sur deux que l’enfant soit à son tour porteur de la maladie.

Plongée dans le patrimoine génétique et perspective de thérapie génique en Belgique
Dans le cas de  l’amyotrophie spinale, on a détecté une mutation au sein du  gène SMN1. Cette mutation a pour conséquence de rendre impossible la production de la protéine SMN, pourtant vitale pour la survie des motoneurones. « Curieusement, tout le monde dispose dans son patrimoine génétique du gène SMN2, un gène un peu équivalent. Ce gène, qui n’est pas muté chez les patients, leur permet tout de même de produire de la protéine SMN mais de façon nettement moins efficace que celle produite par SMN1 (niveau de 10 à 20% de ce qui est normalement attendu chez une personne saine). Le nouveau médicament se fixe sur le gène SMN2 et permet d’augmenter l’efficacité avec un niveau production de la protéine SMN à 40-60% et ainsi sauver le motoneurone », précise Nicolas Deconinck. Actuellement, trois firmes pharmaceutiques développent chacune un médicament utilisant ce mode d’action (SMN2 splicing modifiers). Une firme développe également une approche par thérapie génique (remplacement du gène SMN1), qui sera testée en Belgique.

L’amélioration du screening et du dépistage, ainsi que le lien entre la génétique et la clinique sont des axes de développement considérables. Chaque année, la découverte de nouveaux gènes permet d’expliquer des tableaux cliniques. « 80% des maladies rares ont une origine génétique, donc avec les progrès actuels en génétique, on peut s’attendre à trouver des explications à des maladies rares encore inexpliquées. »  

La question de la prise en charge des patients au cœur de leur suivi
Le manque de recul quant à ces nouvelles approches  médicamenteuses et leurs effets à long terme sur la survie et la qualité de vie de ces enfants rendent la communauté médicale encore prudente et les débats éthiques sont présents. L’enfant touché par la maladie reste malade à vie et nécessite une prise en charge globale et spécifique, nécessitant la mise en réseau des prestataires de soins, les structures scolaires… Au sein de l’HUDERF, ces enfants bénéficient de l’aide de pneumologues, kinésithérapeutes, des équipes de liaison, des spécialistes de l’orthopédie, de la gastroentérologie, de la kinésithérapie respiratoire & de la mobilisation physique,… Les assistantes sociales se mobilisent pour se coordonner avec des centres de revalidation ou pour entrer en contact avec des écoles individualisées (de type 4 par exemple). L’équipe Globul’Home accompagne l’enfant et la famille au domicile et effectue la liaison entre tous les acteurs. « Beaucoup d’énergie est déployée au service du patient et de sa famille, pour leur donner le plus d’autonomie possible aussi, car cette maladie neuromusculaire est invalidante et la morbidité reste importante. Les possibilités actuelles et futures de traitements sont néanmoins sources d’espoir et d’amélioration du confort de vie au sein de ces familles », conclut Nicolas Deconinck.

[i]L’étude à laquelle l’HUDERF a participé a été menée dans 31 centres à travers le monde, aux États-Unis, au Canada, en Australie, au Japon, en Turquie mais également en Europe (France, Espagne, Italie, Allemagne, Suède et Belgique). Les résultats de ce traitement expérimental ont été publiés dans le prestigieux New England Journal of Medicine. Selon cette étude, le médicament expérimental nusinersen (Spinraza) a montré une meilleure survie et des acquisitions motrices jamais observées chez les patients atteints de cette maladie.

RS Finkel et al. Nusinersen versus Sham Control in Infantile-Onset Spinal Muscular Atrophy.  New England J Med 2017;377:1723-32. DOI: 10.1056/NEJMoa1702752

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Blog maladies rares : http://www.huderf30.be/nouvelles/infographie-maladies-rares-enfants/
Infographie maladies rares : voir pièce jointe

Descriptif succinct des types 1, 2 et 3 d’amyotrophie spinale

Amyotrophie de type I

 

Type 2

 

Type 3

 

Symptômes apparaissent à 2-3 mois de vie

Pas de tenue de tête

Peu de mouvement des membres

faiblesse de la  voix ou parlent peu

Même forme génétique

Symptômes apparaissent plus tard vers 7-12 mois. Ces enfants peuvent  s’asseoir

Intelligence normale

Symptômes apparaissent après l’âge de 1,5 ans.

Faiblesse de la marche

Adolescence

 

 

A propos du centre de référence maladies neuro musculaires Erasme-HUDERF
Le Centre de Référence des maladies neuromusculaires de l’ULB un centre de référence commun entre l’HUDERF et l’Hôpital Erasme. Il regroupe une équipe d'experts médicaux et paramédicaux dans le domaine des maladies neuromusculaires. Il est destiné à organiser des consultations multidisciplinaires en coordination avec les médecins et paramédicaux traitants. L’équipe œuvre au diagnostic, à la prise en charge, à l’entrée en études cliniques et au dépistage (au sein du laboratoire de pédiatrie HUDERF) d’enfants de 0 à 16 ans, atteints de pathologies neuromusculaires.

Si vous souhaitez interviewer avec le Professeur Deconick ou l’un des membres de l’équipe pluridisciplinaire de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, merci de prendre contact avec Amélie Putmans – par email [email protected] ou par téléphone 0477 200 970.

 

 

HUD_CP_MaladiesRares_FR.pdf

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HUD_DP_MaladiesRares_FR.pdf

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Maud Rouillé

HOPITAL UNIVERSITAIRE DES ENFANTS REINE FABIOLA

À propos de Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola

À propos de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola

L’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF) est le seul hôpital belge exclusivement dédié aux enfants et aux adolescents. En mettant tout en oeuvre pour le bien-être de l’enfant, notre hôpital contribue à ce qu’il soit acteur de son propre développement et s’épanouisse dans la société.

L’hôpital a pour missions :

- De soigner et d’accompagner l’enfant, l’adolescent et ses proches, par une prise en charge globale, multidisciplinaire, humaniste et d’excellence. 

- D’assurer un enseignement et une recherche de haut niveau par une démarche continue d’innovation et de développement des connaissances.

- De contribuer activement à l’éducation à la santé.

L’HUDERF en chiffres : 183 lits, près de 135.000 consultations, plus de 36.000 admissions aux urgences et plus de 41.000 journées d’hospitalisation par année. Plus de 3700 interventions sont réalisées au sein du quartier opératoire chaque année. Plus de 1000 personnes y travaillent aujourd’hui, ce qui représente 750 ETP (équivalents temps plein) dont 170 ETP médecins (52,5 ETP post gradués) et 440 ETP soignants et paramédicaux.

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